VERS L'ENLISEMENT DU PROCESSUS ELECTORAL
A l’origine de la discorde, une broderie constitutionnelle et un attelage de textes électoraux indigestes, mis en place par des acteurs corvéables à merci ; du moins tous soutiens d’un pouvoir

Le processus électoral pour la présidentielle du 11 avril prochain a du plomb dans l’aile, décrié qu’il est par une bonne frange de la classe politique béninoise, pour ses incohérences et ses monstrueuses curiosités. Un processus globalement bâclé, qui selon plusieurs observateurs de la vie politique de notre pays, risque à terme de s’essouffler et de s’enliser. A l’origine de la discorde, une broderie constitutionnelle et un attelage de textes électoraux indigestes, mis en place par des acteurs corvéables à merci ; du moins tous soutiens d’un pouvoir. Et pourtant ! Oui et pourtant, nous sommes bien au quartier latin de l’Afrique où, la rhétorique est célébrée, le sophisme adulé et l’art de l’élévation de l’esprit est une religion. Voilà malheureusement, la médiocrité élevée au même diapason que la science. Elle, « descendue de son piédestal, fragilisée et fragmentée.» A l’épreuve de la réalité, ces textes électoraux, ne pouvant résister aux intempéries et aux urgences du moment, se révèlent inopérants, porteurs de germes de violence.
C’est une première dans l’histoire de notre pays que par exemple, à l’occasion des dernières élections municipales, des maires aient pu se faire élire par leurs pairs, tandis que d’autres ont été simplement nommés, grâce à une loi interprétative et rectificative intervenue subitement pour modifier les règles du jeu en plein match. Deux codes électoraux pour gérer un même processus électoral ! Une curiosité que beaucoup de professeurs de droit, titulaires de chaire ont fini par admettre comme une invention grotesque du génie béninois, dans son expression la plus puérile et la plus ubuesque. Il ne faut pas s’étonner qu’un jour ou l’autre, cette invention soit classée comme patrimoine exclusif d’organismes internationaux, du fait de son originalité et de sa rareté. Et d’ailleurs, n’ayant jamais existé sous d’autres cieux.
Des amis reprochaient au Chroniqueur que je suis, mon scepticisme face aux déclarations du Président Patrice Talon qui, sous l’inspiration de la lumière du Saint Esprit, à l’occasion de ses récentes tournées dans tout le pays, affirmait qu’il ferait de la présidentielle prochaine, une occasion de communion et de fête pour les Béninois. J’étais sceptique, parce qu’il faut craindre jusqu’à l’apparence de tout ce qui fait souffrir, et tenir compte de ce que, toute expérience malheureuse, doit servir de leçon de prudence. En réalité, j’ai du mal à oublier une date mémorable, le 6 mars 2019. Le chef de l’Etat, lors d’une séance de travail avec la classe politique béninoise, déclarait : « Mon souhait est qu’à mon temps également, les élections soient de même nature, de même qualité, de même convivialité.» Une profession de foi que beaucoup avaient applaudie. Nouvelle posture angélique, doublée d’un discours d’apaisement, à l’opposé de toute allure belliqueuse et guerrière, qui laissait plutôt transparaître une homélie du pardon, un appel au « vivre ensemble », à la réconciliation et à la communion. Mais quelle ne fut pas mon indignation quand en mai de cette même année, soit seulement deux mois après cet appel pathétique, la furie des armes a crépité pour catapulter dans l’au-delà, certains de nos compatriotes, laissant derrière eux, un champ de ruine, de désolation, de terreur et de scènes macabres. Leur fantôme hantera longtemps encore la survie de notre démocratie.
A l’allure du déroulement du processus actuel pour la présidentielle d’avril 2011, ces amis finissent par admettre comme une évidence de Crystal, que j’étais fondé dans mes prétentions, ne comprenant pas les réelles motivations du pourquoi on ne pas ouvrir la compétition, dans un environnement institutionnel pourtant entièrement sous contrôle du pouvoir en place. Du Cos-Lépi à la Cour Constitutionnelle, en passant par la Cena et la HAAC, la situation est sous sa parfaite maitrise. Pourquoi en plus, un parrainage qui se révèle périlleux pour notre nation ? Alors que les parrains ne sont que des louangeurs, sans volonté réelle, et incapables de vivre autrement que sous le regard inquisiteur de leur hiérarchie.